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Débats / explications/ thèses sur les textes

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noguyinstead

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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyDim 27 Jan 2013 - 17:50

Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 63296 + Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 107766 = Wink

Ce qui oppose fondamentalement ces deux perceptions de l'existence humaine sont les images antithétiques de la ligne droite et de la courbe. La droite figurait le caractère rectiligne, l'échéance inéluctable et désespérante ("Qu'est-ce-que ça peut foutre ? "). La courbe, elle, dessine des perspectives giboyeuses, des relais, des criques à ciel ouvert qui déroutent et transfigurent notre rapport au temps, nous amenant à une constatation inattendue et nonchalante ("On n'en a plus rien à foutre.").

La vie ressemblait, jusque-là, à une comédie tour à tour bâchée, dépourvue de points d'appui, grimaçante, grinçante. Elle titubait entre errance...

"Les souvenirs font des impasses
Que sans cesse on ressasse" (Novembre toute l'année)
"Je vois des avalanches
Et des skieurs qui font du hors-piste" (Nuits blanches)
"Je n'ai aucun bagage dans la soute" (Me voilà bien)

…, utopie...

"Auriez-vous pris possession
De ma vie de ma vue ?" (Chère inconnue)
"À l'origine
Tout n'était qu'un mystère
Pas de fadas
D'intifada naguère" (À l'origine)
"Je prendrai un aller sans retour, un avion-cargo" (Chaise à Tokyo)

… et contre-utopie.

"Les insulaires
Ne sont pas témoins oculaires
Et d'opinions
Ils n'en émettent guère" (Les insulaires)
"Regardez vous
En sueur le rose aux joues
Et des bleus de partout" (La garçonnière)

Le point de jonction entre la ligne et la courbe est assuré par ces quelques mots qui opèrent la bascule, enclenchant une véritable révolution copernicienne.

"Je te signale a propos que la commode dans l'entrée n'est pas noire
Non elle est bleue" (15 septembre)

Au sortir de cette fracture profonde inaugurée par « La Superbe », la vie amoureuse reste, bien entendu, une comédie. Elle se développe en 5 tableaux obligés (respectivement : Marlène déconne, Aime mon amour, L'insigne honneur, Trésor Trésor, Personne dans mon lit). C'est une commedia dell'arte dont les costumes remplissent la penderie...

"Mon chapeau claque, mes frasques
Sont rangés avec mes masques
Les pires" (Trésor Trésor)

…, mais qui ouvre une configuration toute nouvelle...

"Sous les confettis
J'ai rêvé ma vie" (Confettis)

Ce qui se présente à nous est une sorte de redéfinition du rapport au temps, du rapport au désir. L'individu entame à présent un mouvement libre d'appropriation du monde qui l'entoure. Le mystère du sentiment amoureux gît, pour une part, dans la notion - infiniment riche - de contraste. Le "sombre héros" apparaît comme un individu à la peau foncée. Le territoire désiré est proche du pôle Sud. Rêver, être amoureux, c'est entrer brutalement en collision avec ce qui nous est radicalement étranger, avec un paysage-état d'âme déroutant et bouleversant. Cela consiste, au bout du compte, à vouloir affronter seul, nu, sans armes, un mystère troublant, fascinant. Ce mystère peut bien ne rester, au final, qu'une quête vaine, qu'une pure illusion de l'esprit. Qu'importe !

Quelle distance prodigieuse, quand même, entre la dictature première, asservissante, des astres...

"Du dernier décan
Je suis natif" (Négatif)

… et cette conscience libérée, relativiste et véritablement aventureuse !
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jfmoods

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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyVen 27 Mai 2016 - 21:18

1_Palermo Hollywood

Scène d'exposition de l'album, panoramique, cinématographique. La voix féminine suggère l'appel des sirènes, ébauche la traversée cahotique d'épreuves, figure l'épopée en devenir.

Buenos Aires à l'aube (« Le jour se lève »), une avenue (« Libertador »). Un homme, passablement éméché (« je suis ivre », « ma tête tourne »), marche sur un trottoir. La nuit a été longue (adverbe : « enfin ») et particulièrement grisante, gratifiante en échanges (« j'ai de l'amour plein la tête », « j'ai peur de ne pas renaître »). Un incident (« Un trans... me lâche un coup de coude ») précipite l'ouverture de la perspective vers un taxi que l'auditeur prend lui aussi (connecteur logique : « alors »). Le mouvement s'élargit à l'aune d'une ville tentaculaire (quartiers divers : « Palermo Hollywood », « Palermo Soho », « Recoleta », enseigne commerciale : « Farinelli », équipes de football locales : « San Lorenzo », « River (Plate) », « Boca »), puis d'un pays immense et passionné (autres clubs de football : « Tigre », « Salta », stade mythique ayant accueilli la coupe de monde 1978 : « Mar del Plata ») à travers lequel on va cheminer, au gré de ses envies, dans une disponibilité totale (forme pléonasmique : « J’en ai du temps à tuer, j’ai pas de grain à moudre »). Le « coup du couffin » rappelle immanquablement « Trois hommes et un couffin », un film de Coline Serreau de 1985. C'est l'image de la confrontation à l'autre, à l'inconnu, donc à soi, l'avancée hors de son propre horizon, de sa zone de confort. Une rencontre qui illumine notre rapport au monde : le « coup de foudre », l'évidence d'un constat, comme le moment premier d'une découverte éblouissante (effet de gradation : « Les filles sont belles, les filles sont libres »). Biolay a toujours, quelque part dans sa musette, un détournement de proverbe, de maxime, de sentence. Manière subtile de tordre, de violenter les codes admis. Éclat, formule qui déton(n)e. La clarté d'ici (« le bon dieu te reconnaîtra ») vient contrer la noirceur de là-bas (« Dieu reconnaîtra les siens »).
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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyVen 27 Mai 2016 - 22:06

Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 55218
Très heureux de te lire Jf. J'espère à très vite!
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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyMer 1 Juin 2016 - 8:15

2_Miss Miss

Ce titre constitue le pendant narratif, la seconde partie de la plage 8 de l'album ("Palermo Spleen"). La gradation initiale ("Je t'aime et je crains de t'aimer / Encore longtemps") et l'infinitif passé, au passif, qui marque la fin du texte ("d'être ainsi possédé") manifestent l'obsession amoureuse, obsession qu'une thérapie ("Je vois l'analyste") et l'absorption continue d'alcool ("Je bois des 8.6") tentent, sans grand succès, d'endiguer. L'attachement à l'Absente est viscéral (hyperboles : "Je t'ai dans la peau tout entière", "Tu danses le twist / jusqu'au fond de ma chair", marqueurs d'intensité : "plus guère", "si triste", "plus du tout fier", "trop triste", modalisations : "Je ne peux pas", "Tu ne peux pas", "Je voudrais", verbe exprimant la prédation : "dévorer", comparaison : "comme un euchariste / Un ébéniste affamé",  négation : "Je ne sais pas", jeu antithétique des verbes à sens réciproque et unilatéral : "sans s'oublier" / "t'oublier"). La projection temporelle (futur simple : "laisseras", "fera", futur proche : "va mourir") se déploie sur l'image d'un couple fantasmagorique ("Nus comme des vers sur les sentiers de  l'apocalypse"). Les seuls vrais paradis sont les paradis perdus. Renoncer au fantasme amoureux, c'est renoncer à la vie (gradation hyperbolique : "Je me rapproche de la terre", "C'est finir sous la terre").
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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyVen 3 Juin 2016 - 21:14

3_Borges Football Club

Ce troisième morceau de l'album reflète, à travers l'oxymore de son titre, la complexité d'un pays. D'un côté, la culture classique dont le plus brillant représentant est un intellectuel particulièrement érudit, concepteur de labyrinthes littéraires. De l'autre, la culture populaire, le ballon rond et la prodigieuse exaltation, la passion quasi-religieuse qu'il suscite dans la population argentine. Cependant, au-delà de leurs contradictions apparentes, football et littérature se prêtent tous deux, à leur manière, à une mise en scène, à une chorégraphie, à une dramaturgie de l'existence humaine.

Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 Bale10

Le football a crée des mythes (Pelé, Maradona). De même, la littérature et, à travers elle, le cinéma. Onirique et fantastique, l'oeuvre de Borges se prête particulièrement à l'adaptation cinématographique ("La stratégie de l'araignée" de Bernardo Bertolucci en 1970) ou télévisuelle ("Le Sud" de Carlos Saura en 1992).

Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 Araign10
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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyDim 12 Juin 2016 - 10:34

4_Palermo Queens

Innamoramento. L'amour naissant. Une reconnaissance amoureuse réciproque s'affirme (compléments de temps en miroir : "Deux mille ans que j'attendais ça", "il y a 2000 ans"). La force d'attraction est puissante de chaque côté (marqueurs d'intensité : "de tels mots d'amour", gradation : "Tu mets la barre toujours plus haut chaque jour", adjectif qualificatif : "extraordinaire", adjectif possessif : "mon chanteur romantique français"). L'homme joue le jeu de la séduction, fait mine de répondre aux attentes de l'aimée ("La Mona Jiménez", surnommé "Le singe", "guenon", "Cheetah"), et celle-ci, parallèlement, se fait copieusement désirer (métaphore sportive : "Tu dis qu'on ne joue pas pour la même équipe", paradoxe : "trop plouc et trop chic"). Le jeu d'intertextualité (Claude François : "Alexandrie Alexandra", "Magnolia for ever") invite à voir ici une mise en scène humoristique, une chorégraphie kitsch du sentiment amoureux.

5_La débandade

L'état des lieux (passé composé : "J'ai connu", "vu", "fait", "eu", "J'ai dit") fait par le locuteur à une femme aimée ("mon coeur", "ma douce") s'attarde sur les aléas de la vie, en particulier de la vie amoureuse (jeu des adverbes de fréquence  : "jamais", "quelquefois", "souvent", "toujours",  jeu antithétique des impératifs : "vas-t-en", "reviens"). Une anticipation se dessine (futur : "J'avalerai", Je fumerai", "Je lèverai", "Je ferai", "Je mettrai", compléments de temps : "Bientôt", "le plus tard", "le plus tard possible") : celle de la fin inéluctable de l'itinéraire de vie (image de la noyade :  "J'avalerai la mer", adjectif qualificatif nominalisé : "l'indicible", litote : "je ferai moins le fier", détournement de l'expression "manger les pissenlits par la racine" : "Je fumerai les cymes / Et  les  mauves amères par la racine", croisement d'expressions imagées : "Je mettrai les voiles / Et les vapeurs").

En vérité, la "débandade" du titre est à interpréter à deux niveaux.

Nous assistons, d'abord, à un processus de décomposition, de délitement de la relation amoureuse (effet de gradation : " La chamade / Rhum en rasades / Tuiles en cascades / La débandade"). Impossible, à ce stade, de ne pas poster à nouveau, ici, la chanson de Julien Clerc...



On y voit, ensuite, un processus de dégradation physique et mentale (gradation hyperbolique : "ni le diable au corps / Ni la moindre secousse", perte des repères : "Je ferai le vide / Les yeux dans le vague") que l'on accueille en pleine lumière (modalisation : "Je veux finir à poil / À même le coeur") et pour lequel on n'attend aucune forme d'apitoiement (expression du souhait au subjonctif présent : "Que ma joie demeure / Que ses mains me poussent").

Le sens premier du titre renvoie au film éponyme de Claude Berri, sorti en 1999.

Le grand départ est esquissé par trois images : la douceur d'un envol ("Je lèverai le pouce / Vers un bimoteur"), le brasier suggérant une mort douloureuse ("un feu de brousse"), le mystère inquestionnable ("Un ailleurs").  

6_Ressources humaines

L'expression "ressources humaines" est obscène car elle rabaisse l'humain à l'objet, à ces ressources naturelles que l'on exploite à saturation, jusqu'à ce que le rendement soit estimé de moindre rapport, insuffisamment rentable au regard des coûts d'investissement consentis. De fait, le texte transpire un paternalisme assumé, décomplexé. Tout y passe. On trouve ainsi...

- la basse flatterie (superlatif : "tu ne pouvais pas faire de  meilleur choix", synecdoque : "l'or que tu as dans les mains", adverbe et adjectif qualificatif suggérant la facilité : "très vite")
- le discours stéréotypé, aseptisé ("c'est pour ton bien")
- les bons sentiments (comparatif : "Et on t’aime comme le frère qu’on aura pas")
- la fausse bienveillance, assimilée à une aumône que l'on accorde face à l'incompétence ("On t’a donné maintes fois ta chance")
- le prêt-à-penser ("Tu seras beaucoup mieux au chaud chez  toi")
- l'aveu explicite (chosification : "on doit se délester de certains poids")
- le cynisme, volontaire ou non, qui invite l'interlocuteur à reproduire, métaphoriquement, le processus d'attachement et de rejet dont il a été l'objet ("Et tu peux même t’offrir un  chien / Avec la coquette somme qui t'échoit")

De l'autre côté du bureau, un homme ayant jusque-là un statut social reconnu, chef de famille aimé et respecté des siens (représentation du bonheur : "une photo des temps anciens / Où tes enfants avaient l’air fier de toi"), doué de compétences professionnelles ("Dans un carton il y avait ton compas"), qui a, pendant des années, consacré sa vie à son entreprise (hyperbole : "À force de peine éperdue").

La réussite de ce morceau tient dans la satire féroce du capitalisme exacerbé, dans le décalage abyssal entre la bonhomie de la mélodie et la violence des paroles.

"De ressources humaines tu n'en as plus" dit le refrain. En effet, trop âgé pour être recruté, tu ne peux désormais plus compter sur personne pour retrouver ta dignité déchue de travailleur qualifié. Tu es à présent déclassé, mis au rebut de la société. Les mots en italien traduisent la perte de tous les repères, de tous les balisages affectifs essentiels à l'individu.

La mélodie rappelle les premières notes de la bande-son du film "Huit et demi" de Fédérico Fellini, composée par Nino Rota. Rota, Fellini, Marcello Mastroianni, Chiara chantant en italien. On dirait une sorte de clin d'oeil, d'hommage familial au monde du cinéma. Après tout, le concept de départ de l'album n'est-il pas celui d'une "audio pelicula" ? Du reste, "Ressources humaines" est aussi le titre d'un film dur sur le monde du travail réalisé par Laurent Cantet en 1999.

7_Tendresse année zéro

Avant même la lecture des paroles et l'écoute du morceau, une question s'imposait... Dans quelle mesure ce titre constituait-il un clin d'oeil à Chamfort / Gainsbourg ("Amour année zéro") ? Après moultes écoutes, la bluette de là-bas, invitant à un Carpe diem amoureux, se trouve battue en brèche, pulvérisée, atomisée par le grinçant état des lieux d'ici.

Le champ lexical de l'éruption volcanique jalonne les deux tiers du texte ("air lourd, vicié et chaud", "infernaux", "nuages", "gaz", "Feu", "brûlure"), entérinant l'image d'une destruction. Le couple a littéralement volé en éclats. Il est à présent à l'état végétatif (groupe nominal : "Des silences", jeu déceptif des comparatifs d'égalité : "pas plus... que" x 2). La séparation physique est actée, comme l'indiquent l'expres​sion("l'hémisphère sud en mono") et le complément de lieu ("Chambre 106, Faena, Puerto Madero"). L'Argentine, point de chute, est le cadre d'une aventure sans lendemain aussi brève qu'insatisfaisante (gradation anaphorique : "sans un mot", "sans un accroc", "Sans un je t’aime de trop"). Le passé amoureux, obsédant, ne laisse jamais en paix (figure d'accumulation : "des corbeaux / Par nuée, par escadre, par rideaux", groupe nominal accréditant le poids du souvenir : "Des coupures de vintage journaux").

L'image de l'oiseau noir offre un étonnant écho avec ce passage d'"Évadné", poème amoureux de Char...

"Un corbeau rameur sombre déviant de l’escadre
Sur le muet silex de midi écartelé
Accompagnait notre entente aux mouvements tendres"

Un gouffre incommensurable sépare l'idéal en cinémascope et la déceptive réalité (antithèse : "Se rêver en gaucho / Se finir au Fernet chaud").

8_Palermo spleen

Le texte s'attarde sur un passé amoureux révolu (métonymie : "nos bouches complices", utilisation de l'imparfait : "tu calais", "je voyais", "ne pouvaient dire"). Deux thématiques prégnantes vampirisent la lecture, ébauchant une perspective pour le moins déliquescente. À l'évocation de la bravade, du défi (périphrase à visée provocatrice désignant la capitale argentine : "cette ville folle / Qui tourne le dos à la mer", expression : "pas chiche") répond en effet la thématique obsédante de la chute, d'une chute vertigineuse ("précipice", "Roller Coaster Polaris", "vol planer de là-haut"). À l'image du passage soudain de vie à trépas, une frontière s'établit entre clarté et obscurité (antithèse : "soleil et solstice"), témoignage et effacement (effet de parallélisme : "Sur quelques bristols / J'ai biffé quelques mots amers"). L'aube émerveillée, à peine esquissée, se mue ainsi, déjà, en un funeste crépuscule. La voix du ténor, par son envolée lyrique, appuie sur le tragique de l'existence humaine.
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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyJeu 30 Juin 2016 - 8:51

11_Pas sommeil

Un cadre nocturne sert de toile de fond à la scène décrite (périphrase désignant la lune : "le soleil de mes nuits", expression : "la vue sur la nuit"). Quatre métonymies ("coeur brisé", "corps endolori",  "le coeur en sang", "visage gris") rendent compte des divers aspects d'une meurtrissure intime. Le dénuement du locuteur est restitué par une suite addictive d'allitérations en v et d'assonances en i ("Je visite les vestiges de ma vie"), par un jeu antithétique d'expressions ("goût de la vie" / "goût de mépris") ainsi que par un terme à connotation péjorative ("débris"). La présence métaphorique de l'eau qui tombe ("le chant de la pluie") berce l'univers intérieur, tandis que l'extérieur est marqué de connotations agressives (métaphores : "la claque du vent", "la gifle du bruit"). Le passé composé ("A changé", "J'ai gâché") et l'hyperbole ("tout le sel de la vie") posent le constat brut de l'échec. Le regard porté sur soi est sans concession (périphrase éminemment dépréciative : "un crétin fini"). Perdu dans les méandres de son passé (hyperbole : "Je recherche le vertige infini", gradation : " Ça tourne et puis ça rétrécit"), le locuteur tente de faire la part des choses. S'il cherche bien à niveler les aspérités douloureuses de l'avant (modalisation : "comme je peux", verbe : "je fusionne des souvenirs roses et gris"), il se montre inapte à trouver la paix de l'esprit (négation catégorique : "Je n'ai pas sommeil du tout"). Cependant, au-delà de toutes les vicissitudes traversées, point d'abattement : l'existence demeure toujours un mystère fascinant (verbe à connotation questionneuse : "Je m'étonne").

Dans quelle mesure le sonnet de Borges, lu par l'auteur, peut-il entrer en résonance avec ce titre de Biolay ? Image d'une champ de force clos, gouverné par des règles immuables et destinée au combat, l'échiquier est une représentation métaphorique du monde et des défis à relever par l'être humain, des pièges, des tours et des détours à affronter sur les chapitres de l'amour et de la mort. En ce sens, la présence de ce poème dans la texture de la chanson m'apparaît comme une initiative particulièrement heureuse.

12_Pas d'ici

Les concessions (adverbe : "pourtant", locution verbale : "J'ai beau") attestent de la lutte quotidienne (jeu antithétique : 7 "si" / 7 "non") que mène le locuteur avec les lambeaux d'une histoire intime obsédante (contraste des exclamatives : "qu'elle est ronde" / "qu'il est immonde", "qu'elles sont longues", hyperbole : "je te vois partout", jeu d'opposition vigoureux s'exerçant entre les négatives : "ne.. pas", "n’es  pas" x 3,  "n’es plus" et la locution restrictive : "Je ne pense qu'à toi"). À l'aune de ce combat incessant avec le souvenir de l'Autre, l'existence se présente comme un insupportable chemin de croix (métaphore éminemment dépréciative : "cette ch***** de vie", complément de manière : "sans envie") où la frénésie de l'impossible oubli nous hante (lexique : "vertige", "tournis", verbe exprimant la radicalité : "brûler", expression hyperbolique : "par tous les bouts", aspiration à une forme de noyade : "je plonge"). Le glissement assonantique ("Quand on voit la vie comme ci / On vit la vie comme ça") illustre le décalage prodigieux entre aspiration légitime au bonheur et stagnation dans une aliénante réalité (gradation : "Je suis  là,  je t’attends,  je bouge pas d’ici").

14_Ballade française

La réussite d'un poème tient à quelques éléments. Si on voulait, dans le cas présent, rassembler ces éléments, on pourrait dire...

Les inversions du sujet ("Tombe" x 2, "Vogue" x 2, "Plonge", "Chante", "Sèche") suscitent un effet d'attente bienvenu. Le champ lexical de l'air, qui jalonne le texte ("tramontane" x 4, "alizé" x 4, "le vent chaud", "les caresses du sirocco"), matérialise les saisons du coeur. On repense alors à l'un des teasers de "Vengeance" : "Une vie de courant d'air". Les rimes riches ("vandalisé" x 2, "dévalisé" x 2) appuient douloureusement sur le sentiment de vide éprouvé. La forme infinitive ("Rendre les armes") entérine ce constat. La thématique de l'eau, prégnante chez l'artiste, enserre le poème. C'est la pluie, d'abord, dans son statut de consolatrice empathique (comparaison : "Tendre et fragile comme la peau"). C'est, ensuite, l'eau surface (métonymie : "Vogue mon âme", image propre à cet univers : "sirène"). La vie apparaît ainsi semblable à la traversée d'une épopée amoureuse océane. Au milieu d'un texte au présent de narration, le surgissement d'un passé lointain (complément de lieu suggérant l'enfance : "sous le préau", recours à l'imparfait : "Dans ma mémoire il faisait beau") plonge le lecteur dans un temps préservé des aléas, temps béni où tous les possibles étaient encore à l'oeuvre. Un jeu d'opposition structure fortement le rapport au monde. Un rideau infranchissable sépare en effet les autres, nombreux, établis dans l'échange fécond (complément de lieu ouvrant sur une multitude : "de partout", pronom cataphorique : "Y'en a beaucoup des amoureux", anaphore : "qui dansent, qui dansent") et le locuteur, seul, rendu à son monde intérieur, à une introspection stérile (pronom tonique : "Moi j'écoute", verbe réduplicatif : "ressasser", gradation hyperbolique : "toute ma vie jour et nuit"). La distance géographique (compléments de lieu : "dans la nuit de France", "Loin du ciel de Paris") multiplie encore cette perspective désolée. Si le personnage biolayen nous fascine à des titres divers, c'est, je crois, parce que chacun d'entre nous possède en lui ce double à la fois repoussoir et porte-étendard d'une identité fantasmée.
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lili

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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyVen 1 Juil 2016 - 21:12

merci pour tes thèses jfm, j avoue ne pas avoir encore eu le temps de lire en détail mais je le prendrai Smile
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Angela

Angela
d'une syllabe ou deux



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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptySam 2 Juil 2016 - 12:30

Felicitations pour l'analyse structurelle. Bien incapable d'en faire autant. Trop dans l'émotion.
.Matiere à  réflexion et  à discussion pour  esprit par temps clair.
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lasuperbe

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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyMer 30 Nov 2016 - 17:37

J'ai utilisé la fonction "Recherche" mais je n'ai rien trouvé sur une possible thèse sur le texte de "Prenons le large".
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melvil75

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plus jamais d'horaires



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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyVen 2 Déc 2016 - 0:20

Horse Song (j'ai essayé d'enrichir comme j'ai pu un lien que j'ai trouvé sur le net  Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 733633 , si vous avez des idées pour les "trous", n'hésitez pas à compléter  Wink )

*

La vie est faite d'imprévus
La vie est faite de malentendus
La vie est faite de moments qu'on voulait pas
De moments pas voulus
De fragments incertains
Qui (...?)
D'égarements en chemin, de détours de fourmis
Des couchettes du train San Remo - Vintimille

La vie est faite de gens déçus
La vie est faite de ce genre de rencontres
qu'on ne fait plus
La vie est faite comme si quelqu'un l'avais comme ça conçue
La vie est une somme de contraintes
Puis elle s'arrête d'un coup
La vie est une folle, folle de folle
Puis elle te lâche coucou
Entre quatre planches de bois dont tu plantes chaque clou

A nos femmes
A nos chevaux
Et à ceux qui les montent
A l'écume
Aux goémons
Aux goélands qui montent
Aux goélands qui montent
La vie est faite de gloire, de honte
La vie est faite de gloire, de honte

La vie est faite de mésententes
La vie est faite de mises en vente
La vie est faite de moment qui vous déchirent chaque jour un peu plus le ventre
La vie est faite comme ci il fallait pas faire comme ça
Mais si tu fais ce qu'on dit
Ça ne marchera toujours pas

La vie est faite de silences
La vie n'a pas les fesses toute blanches
La vie est une somme d'avalanches
La vie (....?) toutes les branches
La vie n'est pas une chienne
Car les chiennes on les dresse
La vie c'est de la peine
Et c'est de l'allégresse
La vie n'est pas ta pute
Et c'est pas ta princesse

A nos femmes
A nos chevaux
Et à ceux qui les montent
Même le bleu du ciel est faux
C'est l'eau de mer qui monte
C'est l'eau de mer qui monte

La vie est faite de gloire et de honte
La vie est faite de gloire et de honte
La vie est faite de gloire et de honte
La vie est faite de mots crus
La vie est faite de gros culs
(....?)
La vie est faite de vécus
La vie est pleine de gens qu'on ne verra plus
La vie est pleine de pertes de vue
La vie est une source de rancœurs
La vie parfois, parfois c'est la mort
La vie est faite de courants d'air
La vie est faite de courants d'air
La vie est faite de petits culs
(.....?)
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Angela

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d'une syllabe ou deux



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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyVen 2 Déc 2016 - 9:51

Merci melvil d'avoir  publié  ce texte . Pas sous la main l'album mais tu donnes même  plus à  la fin.
Au début  sceptique sur ce gallop de mots dits, cet autre inventaire  à  la Biolay sur les désillusions de la vie mais plus je l'écoute, plus je trouve une harmonie très réussie entre le texte fort et la musique  encore magnifiée  par les sonorités  latines.
Juste le refrain me gêne un peu sur le parallélisme  entre les femmes et les chevaux. C'est  pas la première fois que BB " monterait à  cru" (si j'ose!) mais l'idée  me paraît  un brin cavalière.
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macha3010

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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyVen 2 Déc 2016 - 18:26

"A nos femmes
A nos chevaux
Et à ceux qui les montent "
Il reprend une phrase qui avait été prononcée par J. Chirac... Comprenne qui pourra...
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melvil75

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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyVen 2 Déc 2016 - 19:08

Voilà qui amène au moins un début d'explication sur ce refrain, même si c'est difficile de faire le lien avec les couplets, merci Macha

*

J'aime beaucoup ce titre exclusivement pour le texte et le "phrasé" des couplets justement, ça me rappelle "Brandt Rhapsodie" ou "Tendresse année zéro" sur Palermo,et je trouve que ça lui va bien, histoire de rappeller aussi la filiation avec Gainsbourg de temps en temps Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 329580
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jfmoods

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MessageSujet: Re: Débats / explications/ thèses sur les textes Débats / explications/ thèses sur les textes - Page 27 EmptyLun 2 Sep 2024 - 10:37

La chanson, un art mineur ? Certaines chansons voyagent si longtemps et si profondément en nous qu'elles ne sont pas différentes de ces livres qu'on lira et relira sans jamais en épuiser la richesse et le mystère (pour moi, par exemple, "Vendredi ou les limbes du Pacifique" de Michel Tournier).

Entre les pages 9 et 20 de ce fil, "Chère Inconnue" a été longuement évoquée. Presque 15 ans se sont écoulés depuis ces échanges. Il y a quelques jours, la chanson est revenue me hanter. Et je me surprends à la lire encore autrement, à m'arrêter sur un passage qui va tellement de soi qu'il ne fut jamais véritablement questionné.

"... cette avenue
Coulait des jours tranquilles
Avant votre venue..."


Mesure-t-on ici la routine du quotidien, de cette vie sans épaisseur et sans mystère dans laquelle on semble se complaire ? Et soudain un événement en apparence banal va tout bouleverser : l'emménagement d'une voisine. On avait fermé son coeur à toute perspective aventureuse et nous voilà arraisonné par une flibustière tombée du ciel.

"... qui me rends irascible..."

Eh oui ! La femme, belle, désirable, vient gâcher le clair ordonnancement, la monotonie voulue d'une existence d'homme. Elle aurait pu aller habiter ailleurs qu'en face de chez lui, m**** ! Mais non, elle s'est établie ici intentionnellement, pour le séduire. Dès lors, l'Autre - vouvoyée dans son essence mystérieuse, tutoyée dans l'évocation d'un hypothétique plaisir partagé - devient un point obligé, inévitable, fatal, de focalisation. Cependant, nous avons affaire ici à un contemplatif. Toutes les raisons sont bonnes pour ne pas avoir à percer ce mystère que la représentation artistique de la femme va, en partie, exorciser. Je rectifie ce que j'avais écrit à l'époque : elle ne lui est chère que parce qu'elle lui est inconnue.

"J'ai, ce matin, suivi des yeux Florence qui retournait au moulin du Calavon. Le sentier volait autour d'elle : un parterre de souris se chamaillant ! Le dos chaste et les longues jambes n'arrivaient pas à se rapetisser dans mon regard. La gorge de jujube s'attardait au bord de mes dents. Jusqu'à ce que la verdure, à un tournant, me la dérobât, je repassai, m'émouvant à chaque note, son admirable corps musicien, inconnu du mien." (Feuillets d'Hypnos [213], René Char)
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