LA MEUTE : Rencontre avec Franck Richard
Synopsis : Charlotte fuit la vie. Sur une route déserte, elle prend Max en stop. Max disparaît dans un routier quelques kilomètres plus loin. Intriguée, Charlotte revient sur les lieux la nuit et se fait surprendre par La Spack, propriétaire du bar, femme étrange en charge d’une drôle de Meute.
De la Lorraine où il est né, Franck Richard a gardé en mémoire l’imagerie sidérurgique. Pas étonnant que son premier long-métrage commence par des éoliennes filmées de nuit, le tout sur un score signé Chris Spencer du groupe noise Unsane et Ari Benjamin Meyers du groupe Einsturzende Neubauten. Froid, pince-sans-rire et rock’n'roll, le jeune réalisateur confère à son film le climat propre à cette partie de l’Europe. En créant en plus une mythologie autour des mines, son film s’éloigne de la vague actuelle de genre à la française pour se rapprocher d’une certaine tradition du cinéma hexagonal plus classique. Alors que la plupart des réalisateurs de genre français tentent d’uniformiser leur métrage pour leur donner un côté international (quitte à leur faire perdre leur âme au passage), Franck Richard opte pour un tempo plus lent et un ton assez linéaire afin d’asseoir calmement le spectateur et lui murmurer ce conte industriel du Pays Haut. Malgré un souci de cohésion qui empiète la narration du dernier acte du film, La Meute est la preuve qu’il faudra désormais compter sur l’univers de Franck Richard. Rencontre avec le réalisateur lors de sa venue au Kinépolis de Nancy.
Après Jean-Pierre Jeunet, Virginie Despentes et d’autres, tu continues la lignée des réalisateurs originaires de Nancy…
Franck Richard : Oui, je suis né ici. J’ai fait une année de fac à l’IECA et après, à vingt ans, je suis parti continuer mes études de ciné à Paris, à l’ESEC. Ensuite j’ai fait des clips et j’ai travaillé pour le Dvd du magazine musical Velvet. J’ai fait des jobs qui me permettaient d’écrire à côté mon scénar.
En tout cas, avec la mythologie des mines, il y a un véritable ancrage régional dans le film.
FR : Oui, c’était le point de départ de tout ça. Je cherchais une idée un tant soit peu originale et j’ai repensé aux images de France 3 Région lorsqu’une mine lorraine était en train de fermer. Ils en parlaient tout le temps et ça m’avait marqué. Ca me semblait donc être un terrain intéressant pour démarrer une nouvelle race de monstres.
Ca change de la plupart des films français qui oublient leur nationalité…
FR : Je n’avais pas envie de refaire un Massacre à la tronçonneuse. Je voulais trouver quelque chose de pertinent et qui me tienne à coeur. Quand tu parles des mines, ce ne sont pas des zombies ou des vampires, mais plutôt des golems, un mélange de sang et de boue qu’on n’utlise pas souvent. Tu peux voir un message écolo dans le film même si ce n’est pas le but du tout. L’envie était d’aller dans le terroir. Les films avec lesquels j’ai grandi sont assez classiques comme ceux de John Carpenter et pour remonter plus loin, ceux de Jacques Tourneur et de Georges Franju.
Comment as-tu vécu la polémique à Cannes autour du film qui s’est retrouvé interdit aux moins de seize ans et n’a donc pas pu être diffusé sur la plage ?
FR : Finalement, j’étais plutôt content qu’il passe à l’intérieur car ce sont des meilleures qualités de projection, ne serait-ce que pour le son qui est important dans le film avec des basses. Ce serait passé à la trappe avec le bruit de la mer donc j’étais content d’être dans la salle Bunuel. En revanche, l’interdiction aux moins de seize ans a été confirmé il y a deux semaines et on ne sait toujours pas pourquoi. Je pense que c’est le film de genre le moins violent sorti ces dix dernières années. Cette interdiction réduit les salles et des circuits comme UGC ne prennent pas le film. Après, cette interdiction me rappelle les films que j’allais voir quand j’étais jeune.
Quelles raisons ont été évoquées pour l’interdiction ?
FR : On n’a pas le droit de savoir, sauf quand on connaît certaines personnes. En tout cas, on est passé deux fois devant la commission et la deuxième fois, il y avait encore plus de gens qui voulaient qu’il soit interdit…
Comment as-tu réussi à convaincre le casting ?
FR : Il n’y a qu’un seul personnage pour lequel j’avais l’actrice en tête et c’était celui de Yolande (ndr – Moreau). On avait décidé que ce serait elle et c’est donc la première que j’ai rencontré. Elle a dit oui tout de suite. A partir de là, ça a été assez facile de convaincre les autres car ils aiment bien savoir avec qui ils vont tourner. Quand on leur dit qu’il y a Yolande, ils lisent le scénario autrement. Ensuite, il y a eu Philippe Nahon car il faut Philippe quand on fait un film de genre francais (rires). Non, le but c’était de lui faire jouer quelque chose de différent. Il est excellent chez Du Welz ou dans Haute Tension donc je savais que je ne ferai pas mieux que ça et je voulais en faire autre chose.
Et Benjamin Biolay…
FR : Il a fallu d’abord me convaincre moi d’aller le rencontrer car je ne suis pas client de sa musique (rires). Quand je l’ai rencontré, on avait des références en commun et je venais de le voir dans Stella où je trouvais qu’il captait la lumière d’une manière intéressante. Il avait envie de ce genre de films et il n’est pas du tout comme on imagine qu’il est. J’avais aussi envie de ce mélange, d’avoir aussi bien Yolande Moreau que Benjamin Biolay et d’aller chercher pour la musique des pointures de la scène noise américaine des années 90 (ndr – Unsane). Il fallait essayer de le faire et comme j’en avais l’occasion, je n’allais pas me priver.
Il a été question pendant un moment qu’une BD accompagne le film. C’est toujours d’actualité ?
FR : Non, c’était une idée de la production mais il aurait fallu une BD seulement si on faisait une nouvelle histoire ,parce que les adaptations ne sont jamais bien. Mais il n’y a pas eu de suite. En tout cas, ça m’aurait plu pour expliquer la genèse des monstres et pour repenser le film autrement. Ca aurait pu être intéressant.
J’ai lu dans le dossier de presse que vous aviez eu pas mal de galères de tournage…
FR : Oui, mais je n’ai pas forcément envie de faire ma pleureuse parce qu’on m’a quand même donné deux millions d’euros pour faire le film et que j’ai réussi à le faire. Il y a bien évidemment le vent, la pluie mais c’est le cas pour beaucoup de films. Le plus dur c’est le temps de tournage, on avait trente-cinq jours. En comptant cinq jours de tournage par semaine, plus l’heure de pause, j’ai cramé toutes mes heures supp’ dès la première semaine et donc après, je n’en avais plus (rires). J’avais un storyboard qui comptait une cinquantaine de plans par jour donc je dois dire que je l’ai vite oublié (rires).
Est-ce qu’au final, le film te correspond ?
FR : Par moments, oui. A 50% on va dire et il paraît que c’est déjà très bien (rires). Et puis, c’était ma première expérience donc je sais que pour le prochain, je ferai aussi les choses différement.
Tu es déjà sur le prochain ?
FR : Oui, mais je n’en suis qu’au stade de l’écriture. Ca restera du genre même s’il n’y aura pas d’éléments fantastiques purs. J’ai quatre projets en parallèle donc tout va dépendre de celui qui se montera en premier.
Tu penses faire un saut aux Etats-Unis comme c’est souvent le cas pour les réalisateurs de genre français ?
FR : C’est vrai que les films de genre se vendent bien à l’étranger et celui-là est déjà vendu dans tous les pays. En plus, il est assez bien reçu dans les festivals dans lesquels on passe. Mais après, ça dépend, si un projet bien arrive, pourquoi pas mais j’aimerai vraiment réussir à en faire un deuxième ici et qu’il y ait un vrai vivier de jeunes réalisateurs en France. Il faudrait qu’il existe une sorte d’industrie ici, il ne faut pas avoir peur du mot. C’est dommage d’être à chaque fois obligé de se tirer aux Etats-Unis pour faire un film pourri comme c’est souvent le cas, sauf pour Aja. Il y a plein de mythologies à exploiter en France et aussi beaucoup de choses à faire intégrer au public.
Tu vas donc continuer dans le genre ?
FR : Ah oui, moi je ne veux faire que ça parce que c’est hyper large et pas restrictif du tout. Dans les années 80, le genre allait du fantastique au policier en pasant par la comédie. Après, c’est vrai que j’aime les films fantastiques et d’horreur mais ce ne sont pas les plus évidents à faire ici..
Propos recueillis par Christophe « Trent » Berthemin
(Merci au Kinépolis Nancy)
http://blog.lart7.fr/la-meute-rencontre-avec-franck-richard/