article du progrès :
On rencontre Benjamin Biolay dans les coulisses de la Belle Électrique , la salle de concert de Grenoble. Il arrive de La Rochelle avec plusieurs projets sous le bras : le deuxième volume de son album Palermo Hollywood , deux films, une tournée et des questions administratives à régler avec son manager. « Ce n’est pas facile, les musiciens en tournée sont en général concentrés sur leurs concerts, parce que c’est un exercice exigeant. Je suis obligé de me disperser, et ça ne me convient pas trop », explique-t-il avant de prendre des nouvelles de sa ville. « Je vous lis sur tablette régulièrement, parce que je veux avoir des nouvelles de Lyon, de l’OL et de Villefranche » nous avoue-t-il…
On vous a vu à Fourvière et à Paris avec un grand orchestre, mais cette tournée, c’est un nouveau spectacle ?
« Oui, bien sûr. C’est beaucoup plus rock, avec des guitares électriques et un son plus pêchu. Et puis j’avais envie de jouer beaucoup de titres, puisés dans tous mes albums. Et évidemment il y a toujours des morceaux de Parlermo Hollywood , dont certains seront sur le volume 2. Avec une formation plus réduite et plus rock, ils sonnent davantage dans la lignée de la musique que l’on entend actuellement en Argentine. C’est plus cohérent, je trouve. »
Quel souvenir gardez-vous du concert de Fourvière cet été ?
« Je me souviens tout particulièrement de cette soirée. J’ai eu l’impression de la partager avec Hubert (1). On a joué plusieurs titres de l’ Affaire Louis Trio , et j’ai essayé d’être le plus fidèle à ce qu’il aimait. C’était très fort, et très étrange. J’avais l’impression d’avoir un invité avec moi sur scène. C’est un peu mystique ce que je dis, mais je crois que ma relation avec Hubert restera forte, comme elle l’était. »
Sur scène vous restez le même, ou vous vous mettez dans la peau d’un chanteur ?
« Non, sur scène je suis Benjamin, je ne change rien. Je n’ai pas à me mettre dans la peau d’un personnage. Je crois que les gens viennent me voir moi, et je tiens à leur montrer qui je suis exactement. Je ne mets pas une tenue particulière, je ne joue pas un rôle, on n’est pas à la télé, c’est un spectacle vivant. Parfois il y a un peu de chaos, on prend des directions qui n’étaient pas prévues, on interagit avec la salle, et on sort de ce qui est écrit. Et c’est ce qui est bon, c’est de sortir de ce qu’on avait répété. »
C’est un spectacle pour des gens debout, et qui dansent, plutôt que pour un public assis et attentif…
« Normalement, on ne conçoit pas un spectacle de la même façon, si les gens sont assis ou debout. Mais en tournée, on rencontre les deux cas de figure, alors on s’adapte. Le problème avec les gens assis, c’est qu’on voit les gens et leurs expressions pendant qu’on joue. Et parfois, les gens ont l’air consternés, voire hostiles, alors qu’ils sont à fond de dedans, c’est juste la tête qu’ils font pour écouter de la musique. Mais toi sur scène, tu es désemparé. Mais qu’est-ce que je peux faire pour le faire sourire ? »
Vous allez sortir un nouvel album, la suite du précédent. Que contient-il ?
« Il s’appelle Hollywood Palermo , et c’est une vision plus actuelle de ce qu’est la musique latine aujourd’hui. Je suis très fier de ces chansons, je crois qu’au niveau des textes, j’ai passé un cap. C’est parce que je me sentais très libre. Il y avait des choses que je n’avais pas osé dire, et je me suis libéré. »
Vous vous êtes senti porté par l’accueil de cet album ?
« Oui, c’était très chouette, Ce n’était pas gagné, c’est une musique particulière, avec une production très marquée. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. »
Quand cet album va-t-il sortir ?
« Je voulais le sortir un an après le précédent. Mais c’était le 21 avril, et cette année, c’est l’époque du premier tour de l’élection présidentielle… Je n’ai pas envie qu’on ne me parle que de ça. Je veux bien parler politique, mais je n’ai plus envie de soutenir un candidat. Je reste loyal, je soutiens la gauche et le gouvernement. Mais je ne crois pas que ce soit utile d’appeler à voter pour quelqu’un, de donner des “ consignes de vote”. Si la gauche gagne, ça ne sera pas grâce au comité de soutien people, et pareil si elle perd. En fait les gens s’en foutent, et je les comprends J’admire Françoise Hardy, mais ça ne m’incite pas à voter comme elle. »
Comment avez-vous vécu l’élection de Donald Trump ?
« J’en tire une leçon, c’est qu’il faut arrêter avec les cordons sanitaires. Quand tout le monde se ligue contre quelqu’un, c’est contre-productif. Dans le cas de Trump, il y avait une condescendance et un dédain à l’égard de ses électeurs qui n’ont fait que le renforcer. Sur le papier, Trump n’avait pas une chance, mais il a été porté, entre autres, par l’arrogance du camp d’en face. »
(1) Hubert Mounier, chanteur de l’Affaire Louis Trio, ami de Benjamin Biolay, est décédé le 2 mai 2016.
Propos recueillis par Thierry Meissirel
http://www.leprogres.fr/lyon/2016/12/03/benjamin-biolay-je-tiens-a-ce-que-les-gens-me-voient-tel-que-je-suis